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« La politique occidentale permet à l’Ukraine de faire la guerre, pas de la gagner ni de survivre ensuite »

Ce fut la surprise de l’été. Dans une guerre sinistre et meurtrière menacée d’enlisement, les forces ukrainiennes ont lancé, le 6 août, une opération à laquelle personne, et certainement pas l’agresseur russe, ne s’attendait : envahir l’envahisseur.
Surpris par l’audace de la manœuvre, le Kremlin a assisté à la reddition de centaines de ses conscrits – du moins ceux qui étaient encore vivants – censés garder la frontière, évacué 200 000 civils et regardé l’armée ukrainienne progresser. Près d’un mois plus tard, les troupes de Kiev sont toujours là, dans la région de Koursk, où elles contrôlent quelque 1 200 kilomètres carrés de territoire russe.
Ce coup d’éclat a-t-il changé le cours de la guerre ? Militairement, non. Car, parallèlement, les forces russes ont continué d’avancer dans l’est de l’Ukraine. La ville stratégique de Pokrovsk est sur le point de tomber, sa population en cours d’évacuation. Le front s’effondre à nouveau, plus rapidement encore qu’à Bakhmout et Avdiïvka.
Plutôt que d’engager une contre-offensive d’ampleur pour repousser l’incursion ukrainienne, le président Vladimir Poutine a préféré se venger par une pluie de missiles sur plusieurs villes d’Ukraine, dont la dernière, mardi 3 septembre à Poltava, a été particulièrement sanglante, et par la poursuite de la destruction méthodique des infrastructures énergétiques.
Politiquement, en revanche, l’opération n’est pas sans bénéfices. Après l’échec de sa contre-offensive de 2023, tellement annoncée que les Russes avaient eu tout le temps de s’y préparer, cette incursion surprise a remonté le moral des Ukrainiens et démenti l’idée d’impasse totale installée chez leurs alliés occidentaux : l’armée de Kiev a repris l’initiative. Elle a révélé – une fois de plus – les vulnérabilités du renseignement russe. Elle a aussi contré la légende de forces russes en quantité inépuisable : où étaient ces forces pour chasser « l’envahisseur » ukrainien ? Et si Kiev n’a que faire du territoire russe pris par ses troupes depuis le 6 août, puisque, contrairement à la Russie, l’Ukraine n’est pas dans une stratégie de conquête, cette conquête peut peser dans une négociation.
Le président Volodymyr Zelensky a d’ailleurs apporté une justification diplomatique à l’incursion. L’objectif, a-t-il dit le 27 août, était de « forcer la Russie à mettre fin à la guerre ». Ce n’est pas la première fois que le président ukrainien évoque le thème de la fin du conflit ; il y a fait souvent allusion ces derniers mois, à mesure que la pression pour négocier montait aussi dans les discussions d’experts et de diplomates occidentaux.
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